2022, une année à oublier (partie 1).
Que s’est-il passé?
Personne n’anticipait qu’en moins de douze mois, le taux directeur passerait de 0,25 % à 4,5 %! Un resserrement monétaire avec une cadence aussi soutenue n’avait pas eu lieu depuis les années 80. Alors, pourquoi ce tour de vis si ferme par les banques centrales partout en Occident?
Le rôle principal des banques centrales est de maintenir l’inflation dans une fourchette de 2 à 3%. Contre vents et marées, les banquiers centraux ne doivent pas perdre de vue cette cible si importante pour la stabilité de notre système économique; et ce, même si le pouvoir législatif devait s’y opposer. Vous aurez compris que l’indépendance de La Banque Centrale est primordiale afin de sortir le législatif (politiques budgétaires) des décisions de politiques monétaires (taux directeur, principalement).
Or, en juin dernier, l’IPC a atteint 8,1%, un niveau qui menaçait sérieusement l’économie canadienne. Même son de cloche chez nos voisins du Sud, où l’IPC de juin se chiffrait à 9,1%. Les banquiers centraux se devaient d’agir, et vite! Autrement, il aurait été facile de perdre le contrôle et d’entrer dans une spirale inflationniste dont nul n’aurait pu en garantir la fin ou les conséquences:
1. Le coût des ressources augmentent pour les entreprises (pour des raisons que nous verrons plus loin).
2. Les entreprises qui bénéficient d’avantages concurrentiels réussissent à refiler la facture aux consommateurs.
3. Ces mêmes consommateurs sont également des employés de l’entreprise et subissent cette hausse du prix des biens de plein fouet.
4. Les employés (et syndicats) demandent aux employeurs d’augmenter les salaires afin de faire face à l’augmentation du coût de vie.
5. Dans un contexte de pénurie de main-d’oeuvre, les employeurs se retrouvent forcer de céder aux doléances des regroupements syndicaux.
6. La hausse des salaires augmente le coût des ressources pour l’employeur (il refile donc la facture au consommateur) au même moment où les employés ont davantage de sous dans leurs poches à injecter dans l’économie (hausses salariales). L’inflation ne fait que grimper…
Et ainsi de suite…
Vous aurez compris que, sans interventions des banques centrales, cette spirale inflationniste détruirait absolument tout sur son passage, tel un ouragan floridien en automne.
Mais, à la base, vous demandez vous : d’où vient cette satanée inflation qui semble si difficile à contrôler? Voici une liste des facteurs principaux ayant contribués à la montée en flèche de l’inflation:
Pandémie COVID-19: Injection massive de liquidités dans l’économie par les gouvernements (PCU, etc.) afin de stimuler l’économie en période de grande incertitude. Or, très peu de gens ont réellement perdu leur emploi (télétravail) et les généreux cadeaux des gouvernements leur ont permis d’accumuler un niveau d’épargne jamais vu au pays (dans un contexte où les opportunités de dépenser étaient quasi inexistantes). Bien entendu, une fois la pandémie sous contrôle et les mesures sanitaires levées, nous avons vu déferler une vague gigantesque de liquidités dans l’économie (dépenses de consommation).
Pandémie de COVID-19: Rupture dans les chaînes d’approvisionnement partout dans le monde. Le confinement en Chine fait très mal à la chaîne logistique mondiale (ralentissement de production). L’offre de biens diminue au même moment où la demande pour les produits et services est à son comble (levée des mesures).
Guerre en Ukraine: Les sanctions occidentales ont entraîné une nouvelle hausse du pétrole (la Russie est un grand exportateur net de pétrole), des métaux de base et des denrées (céréales, entre autres).
Taux directeur maintenu trop longtemps à 0%: En facilitant l’accès à du crédit abordable, les banques centrales ont permis aux ménages d’accroître leurs dépenses de consommation et d’injecter énormément d’argent dans l’économie. Fait important: la très grande majorité des transactions dans l'économie sont en fait réglées avec du crédit. Le crédit représente une proportion beaucoup plus imposante de l'économie que la masse monétaire. Ce que les gens pensent être de l'argent est, en fait, plus souvent qu'autrement du crédit. En 2013, la quantité totale de crédit dans l'économie des États-Unis représentait 50 milliards de dollars, tandis que la masse monétaire représentait seulement 3 milliards $. En d'autres termes, 94% des transactions étaient faites avec du crédit! C'est encore plus vrai aujourd'hui et c'est également vrai pour tous les pays du G20.
Le coût des externalités: Je vous laisse sur cet excellent texte d’Éric Brassard.
Jadis perçue comme une chose à éviter, une récession est peut-être l’ultime outil afin de casser l’inflation. Dans un contexte où ce n’est pas demain la veille que nous verrons la pénurie de main d’œuvre s’essouffler (problèmes structurels liés à la démographie), les banquiers centraux ne peuvent s’attendre à ce que des pertes d’emploi et des diminutions de salaires viennent sauver la mise (diminuer les dépenses de consommation). Il faut s’attaquer au problème autrement. Cet autrement nécessite du doigté, de la coordination entre les gouvernements et leurs antennes ainsi que de la créativité pour combiner plusieurs leviers en même temps:
Maintien de la politique monétaire actuelle: En augmentant le taux directeur de manière musclée, La Banque Centrale s’est assurée de stopper l’élan de l’inflation. Cependant, il faut entre 12 à 18 mois pour réellement sentir les effets d’un resserrement aussi sévère dans tous les pans de l’économie. Nous percevons déjà plusieurs signes de ralentissement économique (et par la bande, de l’inflation). L’utilisation du crédit étant beaucoup moins attrayant qu’auparavant, et comme le crédit est le principal carburant aux dépenses des ménages, cette composante du plan à lutte contre l’inflation est le plus important. Les taux doivent demeurer à ces niveaux pour encore un moment (le temps d’avoir de meilleurs indicateurs) avant de parler d’une détente monétaire.
La grande séduction pour nos travailleurs expérimentés: Nos gouvernements doivent en faire plus afin d’encourager ces travailleurs, souvent au sommet de leur art, à demeurer plus longtemps dans la vie active. On parle ici de mesures fiscales, principalement. L’immigration a bien sûr un rôle à jouer dans cet enjeu de pénurie de main d’œuvre, mais un travailleur expérimenté n’a pas à se faire intégrer. Un immigrant, oui. Et cela prend du temps (ressource que nous n’avons pas).
Diminuer notre dépendance envers la chaîne d’approvisionnement mondiale: Ceci est beaucoup plus facile à dire qu’à faire, j’en conviens. À court terme, une entente entre la Russie et l’Ukraine pour mettre fin à la guerre nous donnerait un grand coup de main. Tout comme la mise en place rapide du ``
CHIPS and Science Act
`` de Joe Biden pour accroître la production de semi-conducteurs en sol américain…
Pour terminer sur une note positive, la récession qui est à nos portes devraient s’avérer bénigne en raison de la bonne santé du marché de l’emploi. Et tel que mentionné ci-haut, une récession modérée est tout à fait nécessaire pour ralentir l’inflation… C’est plutôt de cette inflation que nous devrions nous méfier.
*** Dans mon prochain billet, nous tenterons de comprendre les impacts de cet environnement macroéconomique sur vos placements en plus d’analyser les scénarios possibles pour une éventuelle reprise économique.